Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

echoes.over-blog.com

traduction française de textes anglais; éditoriaux; revue de presse


La Flamme du Balisier - Hommage des Insoumis à Aimé Césaire

Publié par Hervé Le Gall sur 21 Décembre 2021, 19:26pm

La Flamme du Balisier - Hommage des Insoumis à Aimé Césaire
La Flamme du Balisier - Hommage des Insoumis à Aimé Césaire

Ce texte est la transcription du discours prononcé par Jean-Luc Mélenchon, le 9 décembre, en hommage à Aimé Césaire, lors du voyage d'une délégation "Insoumise" en Martinique.

Une "transcription" a été publiée sur le blog de Jean-Luc Mélenchon, "L'Ère du Peuple". J'écris le mot transcription entre guillemets, tant le "travail" effectué relève du sabotage: fautes de syntaxe, d'orthographe, inculture crasse ("hors-sein", fallait oser quand même), ajouts grossiers ("nous référons" entre crochets), paragraphes insensés, et enfin ponctuation criminelle, ne tenant strictement aucun compte de la respiration du discours, de sa musique - sans même parler de certains faux-sens, on va dire maladroits, pour rester gentil (la virgule après "et nous-mêmes", comme si Césaire avait choisi le balisier comme symbole … pour les Insoumis).

Bref, j'ai écrit à "L'Insoumission", appelé le siège de la France Insoumise, été accueilli très aimablement par Marie-Françoise, militante de Basse-Normandie, mais mon agitation n'a manifestement pas ému le "crétin diplômé" (pour reprendre Todd) qui a massacré avec zèle un discours historique - du niveau de ceux prononcés en hommage à Arnaud Beltrame, Marielle de Sarnez, ou encore à la suite de l'incendie de Notre-Dame-de-Paris.

Voici donc, en exclusivité pour le coup, une transcription (beaucoup) plus fidèle.

H.

https://melenchon.fr/2021/12/19/hommage-a-aime-cesaire/

La flamme du balisierHommage à Aimé Césaire

  dimanche 19 décembre 2021

Nous autres, les Insoumis, nous venons devant la tombe d’Aimé Césaire, comme dans un pèlerinage intellectuel, avec le sentiment d’être à la place qui est la nôtre, à ses côtés. Qu’elle est curieuse cette terre de la Martinique, capable, si petite dans l’Océan, si petite dans la Caraïbe, si loin des côtes d’où sont originaires la plupart des personnes qui composent sa population, et qui en si peu de temps, a pu donner au monde, en même temps Glissant, Confiant, Chamoiseau, et puis Césaire, et Fanon. C’est-à-dire à la fois les gens capables de raconter le monde comme on le voit comme être humain sensible, et capable de le penser ; cette synthèse apparaissant chez le poète Césaire, et l’homme d’action Césaire, en même temps. C’est à cette qualité, de synthèse humaine, que peut-être chacun d’entre nous, dans notre responsabilité, elle de présidente de groupe, lui de chef de délégation, moi de porte-parole dans cette élection, que je veux faire référence parce que, c’est de ce bois-là dont nous aimerions nous-mêmes être faits, capables à la fois de la sensibilité humaine, et de la pensée politique claire.

Aujourd’hui on redécouvre, sous une appellation anglo-saxonne improbable de « French studies », les travaux de Frantz Fanon et d’Aimé Césaire. Et quand on y réfléchit, on voit bien que si au point de départ, lorsque Césaire évoque la négritude, il y avait de bien des façons, des raisons de s’étonner - la négritude n’était pas un concept qui recoupait ceux qui se maniaient à l’époque ; mais Césaire, avant d’autres, avait compris que l’universel, ne peut pas naître aussi longtemps, qu’est empêchée la pleine conscience, de la singularité et de la différence. C’est cette singularité, qui rend possible le cheminement jusqu’à l’universel. Césaire l’a compris avant les autres et d’ailleurs le concept de négritude, posait question, dès à l’époque. Mais le temps … avec le temps, avec le temps, tout s’efface. Tout s’en va de ce qui est lié au contexte et pour finir, reste au-delà de la gangue des événements du moment, des prises de conscience du moment, le diamant pur de la pensée. Quand Césaire parle, l’idée même de négritude n’est pas admissible, parce que à ce moment-là, on suppose, que l’universel est une forme de la pensée, et décrit un objet qui est au-dessus de toutes les particularités ; si bien que les évoquer, ça semble s’attarder dans l’histoire, et retarder le moment libérateur. Et Césaire, avant nous, comprend – je parle de Césaire le poète – Césaire, avant nous comprend, comment la créolisation est le chemin vers l’universel. Mais pour ça, il faut qu’on admette que le point de départ, c’était la négritude, concept qui embrassait des différences extrêmement amples, entre ceux qui rendent possible cette négritude : des esclaves venus de tous les points, du continent africain.

C’est pourquoi, il nous a aidés sur le chemin qu’à notre tour il nous faut emprunter partout, et jusque dans des sociétés qui croyaient que ces questions, ne la concernaient pas. Quand on est dans le pays de Caux, en Normandie, quiconque arrive du bocage, extérieur au bocage, est aussitôt appelé horsain ; c’est dire que … on a tôt fait d’être un étranger. Jamais ils n’auraient imaginé, que par vagues, des peuples, viennent de tous côtés et s’assemblent pour en former un nouveau, le peuple français, tel qu’il est aujourd’hui dans l’Hexagone comme dans les Caraïbes. Ça, c’est notre dette intellectuelle, et spirituelle, à l’égard de Césaire, et des concepts qu’il a fait naître, encore une fois, je le rappelle, dans la polémique.

Et puis, choisissant ce balisier comme symbole pour son parti, et nous-mêmes nous l’avons mis sur notre gerbe aujourd’hui, au centre, il parlait de la déchirure fondamentale. Et dans la déchirure, bien sûr, on observe les lèvres de la plaie ; le balisier nous les montre mais, le verbe enflammé de Césaire nous apprend à voir la flamme qui en jaillit à l’endroit même, où se déchire le balisier, et qui le conduit à dire que c’est à cet endroit que ça se passe lorsque, le balisier se déchirant comme un thorax, fait jaillir, le feu du phénix qui se reconstitue à l’instant même où il se détruit. Et bien, c’est ce feu qui nous implique et qui nous concerne. C’est ce message qui doit aller, jusque dans l’Hexagone, mais pas que l’Hexagone. Tous les peuples du monde qui dorénavant vont être bouleversés par ces allées et venues de foules immenses, fuyant qui une guerre, un autre un désastre climatique, et portant en soi la déchirure de l’endroit que l’on a quitté, des coutumes, des nourritures, des musiques, des familles, dans lesquelles on était si intimement et si chaudement liés, pour devoir se faire renaître soi, ses enfants, la société qu’on construit.

Écoutez, gens de l’Hexagone. Écoutez la leçon de Césaire. Regardez avec humilité ses vers. Écoutez la musique de la Maloya. Écoutez le tambour gwoka. Entendez tous les chants de ceux, qui en s’émancipant de leur condition ont créé une humanité nouvelle, en refusant de se laisser enfermer. Ne faites pas l’erreur de vous laisser enfermer à votre tour, en regardant sans arrêt le passé, et en vous sentant sans cesse déchirés, déchirés, plutôt que renaissants, comme il faut que vous le soyez. Si bien que la lutte actuelle, y compris dans cette élection, est comme une allégorie, du tableau que d’abord Césaire a dessiné, et avec lui, les Martiniquaises et les Martiniquais qui l’ont entouré, aimé, et appuyé dans son œuvre, de poète et de penseur. La terre qui a produit Fanon. La terre qui a produit Glissant. La terre qui a produit tous ceux que j’ai cités avant cela, est encore riche de leçons, pour vous tous. Françaises, Français, voyez les Martiniquais, non seulement comme vos frères, et vos sœurs, mais comme vos grands frères, et vos grandes sœurs qui vous tiennent par la main, au moment où il vous faut marcher sur le chemin de la créolisation, et pour vous annoncer les joies et les bonheurs qui vont en résulter, tandis que vos discours d’enfermement et ceux qui les tiennent, vous conduisent à des misères sans cesse renouvelées, à des violences sans cesse recommencées. Apprenez à être la flamme qui jaillit du balisier, pour vous refonder. En tout cas, c’est le message que moi je vous porterai.

Et puis, Césaire est un homme d’action. Et comme il est important que chacun se souvienne, que la pensée sans l’action qui l’accompagne, est de bien moindre portée. Césaire a été un personnage politique essentiel de la vie martiniquaise, de la vie nationale. Sa stratégie politique, pouvait d’abord sembler totalement paradoxale. Mais il avait d’abord commencé par un acte, qui avait toute son importance, et dont la leçon encore, doit être méditée ; il a quitté le Parti communiste pour créer le Parti Martiniquais, le PPM, dont les descendants vous sont connus aujourd’hui. Mais il fallait d’abord, savoir renoncer à l’illusion que le Parti est une fin en soi, que le Parti prévaut sur la cause qu’il sert. J’ai vécu moi aussi cet arrachement avec quelques-uns de ceux qui m’entourent aujourd’hui. Quand j’ai compris, moi, à mon tour, que ce n’était pas le nom du parti auquel j’appartenais qui comptait parce qu’il lui avait depuis déjà quelque temps, tourné le dos, à cet idéal, et qu’il fallait refonder en allant à la racine, c’est-à-dire à l’insoumission, qui ne se vit et ne se comprend jamais aussi intensément que quand on est sur une terre d’esclavage, et de révolte contre l’esclavage. Voilà ce que je partage spirituellement avec Aimé Césaire. Et donc, il a créé le PPM, et une stratégie qui pouvait paraître incroyable à son époque. Comment un homme qui se battait pour la liberté, pour l’autonomie, pour l’auto - gestion du peuple martiniquais, pouvait commencer par demander la départementalisation ? Ce qui était le prototype même de l’inscription, dans la réalité institutionnelle la plus classique et la plus traditionnelle, de la République Française. C’est qu’à cet instant, il avait bien compris, avant d’autres, qui ensuite vont reprendre à leur compte cette stratégie, qu’il n’est de révolutions citoyennes donnant la liberté aux individus, qui ne passent par ce chemin démocratique, du vote, et de l’assimilation des bienfaits qui sont à la racine de l’idéal républicain. Césaire a compris ça à temps, à une époque où d’autres stratégies pouvaient s’imposer. Et je n’hésiterai pas à dire, du fait de l’histoire, comme je vous l’ai dit il y a un instant, qu’une fois repoussée la gangue du contexte, on voit bien que c’est lui qui avait raison, que c’est comme ça qu’il fallait faire. Parce que c’est comme ça, que s’est mise la Martinique en situation aujourd’hui, d’être plus autonome qu’elle ne l’aurait jamais été, si elle était passée par d’autres chemins, plus aventureux, et peut être plus violents.

La leçon de Césaire est ample, et elle compte pour nous tous - bien sûr dans des conditions qui ne sont pas celles de la Martinique, je le sais mieux qu’un autre. Mais j’ai appris avec mes camarades, avec cette jeune femme, ce jeune homme qui m’accompagnent et qui dirigent à leur tour, des structures qui parlent à toute la France, que nous devons aller à la rencontre des autres, non pour y déverser les leçons que les Européens se sentent toujours en droit d’aller enseigner aux autres, sans se soucier de leurs propres échecs ; mais d’aller aux autres pour apprendre, et regarder par quel chemin ils sont passés pour arriver jusqu’au point où vous les trouvez aujourd’hui, et qui vous fait penser qu’ils sont admirables. Puisse le souvenir de cet instant passé ensemble, sur la tombe d’Aimé Césaire, vous dissuader mes jeunes camarades, pour toujours, de l’arrogance européo-centrée. Puissiez-vous y puiser toujours, l’inspiration qui vous permettra, quelles que soient les circonstances, quel que soit le moment, de repérer votre chemin. Le chemin des pauvres, des humiliés, des opprimés. Parce que leur libération, est celle de toute la société.

Face à un Césaire et à ceux qui lui donnaient des leçons, c’est Césaire qu’il faut écouter. Et se souvenir de la leçon. On ne rassemble, que pour faire, c’est l’action qui nous fédère. Et l’action ne peut nous fédérer que si c’est pour une juste cause, sans compromis ni arrangements, aussi long que ce soit, aussi pénible que ce soit, avec si souvent le sentiment que l’histoire est cruelle parce qu’elle est lente. Jamais céder, marchez votre chemin. Aussi longtemps que vous le marcherez, avec fierté, drapeaux et musique en tête, vous trouverez des gens pour vous rejoindre, et continuer le combat, tandis que les fatigués, les arrangés, se disperseront tout le long du chemin. C’est à nous de tenir le fil de l’histoire. Merci Aimé Césaire pour nous l’avoir enseigné. Merci Aimé Césaire pour nous avoir donné, la patience, infinie, d’accepter, que si ce n’est pas notre tour aujourd’hui, ce le soit demain, parce que nous aurons maintenu allumée sans cesse la flamme du combat, et que c’est à ce prix que le futur est possible.

 

 

 

 

La Flamme du Balisier - Hommage des Insoumis à Aimé Césaire
La Flamme du Balisier - Hommage des Insoumis à Aimé Césaire
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article

Archives

Nous sommes sociaux !

Articles récents