JE RENTRE
J’adore parler avec Léonard
C’est un sportif, un berger,
Un enfoiré paresseux
Qui habite un costume.
Mais il répète ce que je lui confie,
Même lorsqu’il est malvenu de le faire.
En fait, il n’est pas libre
De refuser.
Ces paroles empreintes de raison, il les prononcera
Comme le ferait un sage, un visionnaire,
Même si, au fond, il sait n’être rien d’autre
Que la brève élaboration d’un tube.
Je rentre,
Sans mon chagrin,
Je rentre,
Demain, dans la journée,
Là où tout va mieux qu’auparavant,
Je rentre,
Sans mon fardeau,
Je repasse
Derrière le rideau,
Je rentre,
Sans porter
Mon déguisement.
Il veut écrire une chanson d’amour,
Un hymne au pardon,
Un mode d’emploi, pour continuer à vivre en se sachant vaincu,
Un cri surplombant la souffrance,
Une guérison par le sacrifice,
Mais je n’ai pas besoin
Qu’il fasse ce travail pour moi.
Je veux le convaincre
Qu’il ne porte pas de fardeau,
Qu’on ne lui demande pas d’être un visionnaire ;
Qu’il n’a que ma permission
De faire ce que je lui ordonne, sur-le-champ,
À savoir, RÉPÉTER ce que je lui ai dit
De répéter.
Je rentre,
Sans mon chagrin,
Je rentre,
Demain, dans la journée,
Là où tout va mieux qu’auparavant,
Je rentre,
Sans mon fardeau,
Je repasse
Derrière le rideau,
Je rentre,
Sans porter
Mon déguisement.
(Leonard Cohen – Patrick Leonard ; 2012)